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BLOG – « Quand l’énergie de l’émotion « rage » devient salutaire »

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Il y a quelques jours, les médias spécialisés fêtaient le 30ème anniversaire de la sortie du 1er album du groupe de musique Rage Against The Machine.

Dès mes premières écoutes au début des années 90, et encore aujourd’hui, cet opus m’a toujours percuté par la dose incroyable d’énergie surgissant à chaque titre.

En 2022, mes ressentis d’accompagnant en gestion des émotions me proposent un autre regard sur cette œuvre à part entière, faite par un groupe ayant fait le choix de mettre la brulante émotion de la rage dans son nom de scène.

Et tout d’abord, ce qui percute dans leur communication, c’est le visuel de la pochette. Si cette photo de Malcolm Browne a reçu un prix Pulitzer en 1964, pourquoi choisir le cliché si abrupt du moine bouddhiste Thích Quảng Đức, s’immolant pour dénoncer la dictature présente 1963 dans son pays le Vietnam ?

Lorsque les membres du groupe ont choisi cette image, leur souhait était de provoquer un impact émotionnel et d’interpeller le public…dire que cela fonctionne encore à ce jour est un euphémisme…

Pour connaitre leur autre motivation, je vous propose de dézommer et regarder cela sous un autre angle, celui de l’Intelligence Emotionnelle.

Et si Rage Against The Machine avait voulu tout simplement illustrer ce que peut être de ressentir l’émotion de la rage a intensité maximale, contenue et retenue sur une durée trop importante, pour la psychologie et la physiologie de celle ou celui qui ne l’exprime pas ?

La rage, c’est l’intensité la plus élevée de la colère.

Si la colère est une émotion impopulaire de par son inconfort intérieur et ses risques identifiables pour soi et les autres, elle ne demeure pas moins un atout de poids lorsque que nous prenons le temps de faire sa connaissance (voir l’article sur la colère https://urlz.fr/jWB5 ).

Et même à sa puissance maximale si le contexte l’impose…

Quand la colère s’invite chez nous, la température de notre corps augmente. Plus son intensité monte, et plus notre corps chauffe.

Sans régulation ou/et sans mise en action, la colère peut s’installer tant que son message ne parait pas compris par son destinataire premier : nous-même. Alors, notre corps continuera à chauffer et aussi à produire du cortisol. Si cette hormone nous permet une réactivité rapide face à l’attaque de nos valeurs et/ou de notre intégrité, cette dernière se transforme en cocktail molotov pour nos neurones lorsque l’émotion dure trop longtemps et se répète trop fréquemment.               

Autrement dit, tant que le besoin de la colère n’est pas complétement satisfait, l’émotion continuera de toquer à notre esprit, toujours plus fort, quitte à l’enflammer.

Alors, lorsque le stade de la rage est atteint, et que son état perdure en nous, la sensation de prendre feu ce qui illustre mieux cette expérience.

Pourtant, la colère possède aussi de grandes qualités : pas d’élan pour le mouvement du changement sans l’énergie de la colère pour faire bouger les lignes, et ni d’apprentissage du respect de soi non plus.

Et cela à haute intensité également.

Si l’intelligence émotionnelle est souvent perçue comme un moyen de réguler vers le bas l’intensité de nos émotions et notre stress, elle nous permet aussi de les ajuster vers le haut quand la nécessité se fait sentir, idéalement en sécurisant les protagonistes de la situation qui se joue.

Dans le cas de la rage, nous prendrons garde à sa durée et à son momentum. Trop longue, elle est épuisante et destructrice ; déclenchée avant ou après la situation cible, elle est un coup d’épée dans de l’eau bouillante avec le risque d’une éclaboussure ardente pour Soi et l’Autre.                                  

Face à autant de risques élevés, elle se manie donc avec grandes précautions.

Préalable possible avant son activation : recueillir les informations qui permettront d’être au clair sur ce que nous ressentons. Car d’autres émotions sous-entendent d’autres messages, donc des régulations différentes… S’il s’avère que la colère est bien celle qui toque à la porte, interrogeons les intentions du déclencheur : est-ce que ce que l’empiétement de mes frontières personnelles est volontaire ou non ?

Si cela s’avère être totalement involontaire et sans malice, le fruit d’une mésentente, d’un oubli, ou d’une maladresse involontaire, la rage n’a plus aucune utilité et devient non adaptative, car hors de propos. Malgré tout, un bienfait se dégage de ce cas de figure : la potentialité de son activation nous aura tout de même donnée un éclaircissement sur nous-même : ce qui avait été possiblement attaqué compte beaucoup pour nous, alors continuons à en prendre soin.

A l’inverse, si l’acte d’empiètement s‘avère volontaire, à nous d’exprimer de façon claire et concise les limites qui ont été franchies, en présence des personnes ou/et de la situation impactant notre intégrité. Une fois nos limites affirmées et prises en compte, baissons le feu de notre colère, et activons si nécessaires des émotions d’ouvertures et de focalisations qui permettront l’élaboration de nouvelles références communes.

Par contre, si cela se reproduit au-même endroit, par les mêmes déclencheurs, la colère à haute intensité devient légitime.

Nous avons déjà tous perçus les risques d’une colère à haute intensité, et la violence verbale et/ou physique en fait partie.                                                                Cependant, nous avons aussi la possibilité d’acquérir le savoir et le savoir-faire pour l’actionner en conscience, à une durée ajustée, en ayant la main sur ses manifestations.

Car oui, l’énergie de la rage peut devenir salutaire.

Parce que c’est bien cette énergie incroyable qui a poussée Coluche à créer les Resto du Cœur, a donnée Rosa Parks le courage de rester assise, à Mandela d’oser imaginer une nation arc-en-ciel, à Dian Fossey de se dresser dans la brume…

C’est aussi cette fureur de vivre qui poussa l’Abbé Pierre à lancer le mouvement Emmaüs, à Lucie Aubrac de prendre tous les risques et résister, à Aimé Césaire de prendre la plume, à Simone Veil de monter à la tribune…

En coulisse de tous ces grands mouvements de changement, et tant d’autres encore, la colère exprima ses plus utiles lumières, et à travers toutes ces grandes personnes, la rage s’est mise au service des plus grandes transformations, quelque soit le continent ou l’époque.

Et ces possibilités d’évolutions sont aussi accessibles à notre niveau, entre Soi et Soi, entre Soi et l’Autre.

Pour cela, à nous d’être à l’écoute du message de notre colère, il est souvent plus sage que les apparences veulent bien nous montrer.